Site de la Société des journalistes de Capital, créée en décembre 2020 pour défendre la liberté éditoriale des magazines Capital et de Management et de leurs sites web. N’hésitez pas à manifester votre soutien en nous écrivant à sdjcapital@gmail.com ou sur notre compte Twitter

Que se passe-t-il chez Capital ?

Capital est édité par Prisma Media, premier groupe français de magazines, qui publie aussi Femme actuelle, Géo, Gala, Voici, Télé Loisirs… Jusqu’à présent, Prisma Media appartenait à Gruner + Jahr, filiale du groupe de médias allemand Bertelsmann. 

Prisma Media doit prochainement être racheté par Vivendi, groupe de médias français, qui détient Canal Plus, C8, CNews, la major du disque Universal Music, l’éditeur de jeux vidéo Gameloft, la maison d’édition Editis (Robert Laffont, Julliard, Plon…), et l’agence de publicité Havas. Vivendi est aussi le premier actionnaire du groupe Lagardère, qui détient Europe 1, Paris match, le Journal du Dimanche, la maison d’édition Hachette, et les boutiques dans les gares et les aéroports Relay. Vivendi est contrôlé par le groupe Bolloré. 

Précisément, Vivendi a annoncé le 14 décembre 2020 entrer en négociations exclusives pour racheter Prisma Media, puis le 23 décembre 2020 avoir signé une promesse d’achat. 

Avant d’être finalisé, le rachat est soumis à l’information-consultation du comité social et économique, qui a démarré mi-janvier et doit durer deux mois. L’opération devra ensuite être approuvée par les autorités de concurrence. Vivendi espère finaliser la vente à la fin du premier trimestre 2021.
Face à cette situation, les journalistes de Capital et de Management ont créé fin décembre une Société des journalistes, qui rassemble la quasi-totalité de l’équipe éditoriale. Le premier objectif de cette SDJ est de défendre la liberté éditoriale de ces titres.

Tribune publiée dans le magazine Capital de février 2021

Chères lectrices, chers lecteurs

Capital va bientôt changer de mains. Prisma Media, le groupe qui édite le mensuel et son site web était détenu depuis l’origine par le groupe de médias allemand Bertelsmann. Il appartiendra bientôt au groupe Vivendi, qui a signé une promesse d’achat en ce sens le 23 décembre. Comme l’a annoncé l’acquéreur, ce rachat « offre d’intéressantes opportunités de collaboration au sein de Vivendi et de développement pour les titres de Prisma Media ».

Vivendi est un groupe de médias, qui détient Canal Plus, C8, CNews, Universal Music, Gameloft (jeux vidéo), Editis (Robert Laffont, Julliard, Plon…), et l’agence de publicité Havas. Vivendi est aussi le premier actionnaire du groupe Lagardère. Vivendi est contrôlé par le groupe Bolloré, qui est actif dans le transport, la logistique, le stockage d’énergie…

Autant d’entreprises sur lesquelles Capital écrit régulièrement de nombreux articles, alors qu’il n’avait guère l’occasion de parler de Bertelsmann, dont les seuls autres actifs en France sont M6 et RTL. Capital espère continuer à traiter en toute indépendance l’actualité de ces entreprises, de leurs dirigeants et de leurs concurrents, comme il le fait depuis des années.

Jusqu’à présent, Capital a pu mener à bien ses enquêtes sans interférence de son actionnaire Bertelsmann. Nous l’en remercions vivement. Notre direction nous a aussi protégés de toute pression extérieure. Capital, favorable à l’économie de marché, n’appartient pour autant à aucune chapelle, n’est au service de personne si ce n’est de ses lecteurs. Nos articles approfondis sur la gestion des entreprises, des collectivités publiques ou de l’État, nos enquêtes sur les dirigeants, nos tests comparatifs sur les produits financiers etc. en sont la preuve constante. C’est cette indépendance éditoriale qui a permis à Capital d’asseoir sa crédibilité et son succès, de devenir le premier magazine économique français, et le premier site web d’information économique du pays.

Les journalistes de Capital souhaitent conserver cette liberté éditoriale. Pour cela, ils ont créé fin décembre une Société des journalistes, qui rassemble la quasi-totalité de l’équipe éditoriale. Notre SDJ demande à son futur actionnaire d’apporter toutes les garanties nécessaires au maintien de cette indépendance, dans l’esprit des dispositifs mis en place au quotidien Les Echos ou à l’hebdomadaire Challenges. Nous lui ferons des propositions en ce sens pendant la période de consultation qui s’est ouverte courant janvier.

Nous ne manquerons pas de vous tenir informé à ce sujet.

A qui appartiennent les médias français ? 

La plupart des médias français appartiennent à des groupes industriels, contrairement à la plupart des pays occidentaux, où les médias sont détenus par des groupes de médias. Ce phénomène s’est accéléré ces dernières années : 

  • 1987 : Bouygues devient le principal actionnaire de TF1
  • 1997 : la famille Pinault rachète le Point
  • 2004: le groupe Dassault rachète le Figaro
  • 2006-2011: le Crédit mutuel rachète plusieurs quotidiens régionaux : le Dauphiné libéré, le Progrès, les Dernières Nouvelles d’Alsace, L’Est républicain, le Républicain lorrain…
  • 2007 : LVMH rachète les Echos
  • 2010 : Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse rachètent le Monde
  • 2012: le groupe Bolloré devient le premier actionnaire de Vivendi, propriétaire de Canal Plus
  • 2014 : Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse rachètent le Nouvel Obs
  • 2015 : Patrick Drahi rachète Libération, l’Express et Nextradiotv (BFM TV, RMC)
  • 2015 : LVMH rachète le Parisien
  • 2015 : Iskandar Safa rachète Valeurs actuelles
  • 2017: Renault rachète 40% de Challenges, puis les revend deux ans après
  • 2018: Daniel Kretinsky rachète Marianne; Elle… et la moitié des parts de Matthieu Pigasse dans le Monde
  • 2020 : Xavier Niel rachète Nice Matin puis France Antilles
  • 2020 : LVMH rachète 40% de Challenges
  • 2020 : Vivendi devient le premier actionnaire de Lagardère (Europe 1, Paris Match, le Journal du Dimanche). La famille Arnault rentre aussi au capital de Lagardère et de sa holding de contrôle LCM. 
  • 2020: Vivendi signe une promesse d’achat sur Prisma Media, éditeur de Capital, Géo, Voici, Gala, Femme actuelle

Les dispositifs d’indépendance éditoriale existants dans les médias français

Des dispositifs d’indépendance éditoriale ont été mis en place dans les principaux médias français détenus par des groupes industriels. Ces dispositifs ont parfois été adoptés à l’occasion du rachat par un industriel comme aux Echos en 2007 ou à l’Express en 2015. A Challenges, le dispositif a été adopté dans la perspective de l’arrivée d’un industriel au capital dans le cadre de la succession du propriétaire Claude Perdriel.

Ce dispositif comprend souvent un vote sur le directeur de la rédaction. En pratique, le directeur de la rédaction est choisi par l’actionnaire, mais ce choix doit être validé par un vote de la rédaction, en général à la majorité de 50%. Cela existe notamment chez les Echos, le Monde, Libération, l’Obs, l’Express, Challenges… En pratique, les rédactions ont quasiment toujours approuvé le candidat présenté par l’actionnaire. Il n’y a eu qu’un refus à l’Express en 2018

Dans beaucoup de journaux a aussi été adoptée une charte régissant les rapports entre l’actionnaire et la rédaction. Dans le groupe le Monde, à l’Obs, aux Echos, à Challenges, à l’Express…, cette charte stipule que l’actionnaire n’intervient pas dans le contenu éditorial. 

Dans plusieurs journaux a enfin été instauré un comité comprenant des représentants de l’actionnaire, des représentants de la rédaction, et des membres indépendants choisis conjointement par l’actionnaire et les journalistes. Aux Echos et à Challenges, ce comité se prononce notamment sur le choix du directeur de la rédaction. Aux Echos, à l’Express et dans le groupe le Monde, ce comité peut aussi être saisi par les journalistes sur les problèmes d’indépendance éditoriale, et rend alors un avis.

Enfin, en 2016, a été votée la loi Bloche : https://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0820.asp 

Cette loi impose une “charte déontologique” dans tout média (presse, radio, télévision), qui doit respecter les principes suivants :   

  • “La charte est rédigée conjointement par la direction et les représentants des journalistes. Le comité d’éthique est consulté lors de la rédaction de la charte”
  • “Tout contrat de travail signé entre un journaliste professionnel et une société éditrice de presse ou de communication audiovisuelle entraîne l’adhésion à la charte déontologique”
  • “Tout journaliste ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction  professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique”
  • “À défaut de conclusion d’une charte avant le 1er juillet 2017 et jusqu’à l’adoption de celle-ci, les déclarations et les usages professionnels relatifs à la profession de journaliste peuvent être invoqués en cas de litige”

Cette dernière disposition a été utilisée par certains médias pour ne pas adopter de charte, et renvoyer aux usages de l’entreprise ou de la branche.  

A Canal Plus, une charte déontologique (disponible ici) a ainsi été adoptée fin 2017 par la direction et la société des rédacteurs de CNews. 

Concernant les chaînes de radio et de télévision diffusant de l’information, la loi Bloche stipule aussi  que “le CSA garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent. Le CSA s’assure que les intérêts économiques des actionnaires des chaînes et de leurs annonceurs ne portent aucune atteinte à ces principes”.

Dans ces chaînes, la loi Bloche impose la création de comités d’éthique. Le comité est “chargé de contribuer au respect des principes” cités ci-dessus. Le comité a le pouvoir d’informer le CSA de tout fait susceptible de contrevenir à ces principes“. Tous les membres du comité sont choisis par l’actionnaire, mais toutefois ils ne doivent pas avoir de relation d’intérêt/d’affaires avec l’actionnaire. Ces comités peuvent être saisis par n’importe qui : les journalistes ou les spectateurs/auditeurs. Il rend alors un avis qui reste consultatif. 

A Canal Plus, les avis du comité d’éthique sont disponibles ici :

Enfin, la loi Bloche accorde un droit d’opposition aux journalistes : “tout journaliste a le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d’émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de son entreprise ou de sa société éditrice“.

Une violation de ce droit d’opposition “entraîne la suspension de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes” accordées au média en question. 

Pour nous contacter, merci de remplir le formulaire ci-dessous :

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